Influence de la médecine et de la chirurgie esthétique dans le domaine de la santé globale

Professeur Meningaud - Chirurgie Maxillo-Faciale à Paris Est Créteil

La médecine anti-âge vise à détecter et corriger les signaux faibles des maladies. Elle se situe en amont de la maladie. De la même façon que l’on peut être plus ou moins malade, on peut être plus ou moins en bonne santé (en fonction par exemple de la VO2 max, de la fonction endothéliale, etc.). 

La médecine anti-âge ne vise pas à prévenir une maladie en particulier, elle vise à retrouver les paramètres d’un individu jeune et sain. Ces paramètres peuvent être biologiques, physiques, mécaniques, cognitifs, etc. Avec l’âge, de nombreux paramètres se dégradent, comme par exemple les taux hormonaux (testostérone, œstrogènes, DHEA), le pourcentage de masse grasse qui augmente, ou le temps qu’une personne peut rester en appui monopodal. 

La médecine anti-âge fait appel à la nutrition, l’optimisation du sommeil, l’activité physique, la gestion de stress, les correcteurs hormonaux… Toutes ces actions se reflètent sur l’apparence physique. Ne dit-on pas « tu as l’air en forme » ou « tu n’as pas l’air en forme » à deux personnes qui ne sont pas malades ni l’une ni l’autre. Tout cela semble évident et a mainte fois été démontré. Ce qui l’est moins est la réciproque : l’influence de l’apparence sur l’état de santé. C’est tout le propos de cet article.

Introduction

L’apparence peut sembler être une préoccupation futile. De fait, beaucoup d’intellectuels, de psychologues, de médecins spécialistes d’organes, de religieux, d’éducateurs, considèrent les préoccupations physiques comme frivoles. En tant que spécialiste de la chirurgie de la face, j’ai pu constater à quel point beaucoup de mes patientes et patients peuvent en souffrir, qu’il s’agisse d’un visage mutilé par un accident, ou tout simplement affecté par l’empreinte du temps. La médecine et la chirurgie esthétique proposent de faciliter une meilleure maîtrise de son aspect physique et de sa santé, sans dogmatisme. Je reste convaincu que la beauté des peuples procède de leur diversité.

L’apparence, notamment de notre visage, est assez finement corrélée à notre âge chronologique

Nous avons l’âge de nos artères, de nos performances psychiques, de notre bilan hormonal, de nos chromosomes, mais aussi de notre aspect extérieur. L’apparence, notamment de notre visage, est assez finement corrélée à notre âge chronologique. Mon équipe a pu le vérifier dans une étude récente(1). 

De façon inconsciente, chacun peut estimer l’âge d’une personne avec une assez bonne précision. Si en plus, on reçoit une formation minimale sur les critères objectifs du vieillissement facial, la précision se renforce exponentiellement. On en déduit qu’à un moment donné, un traitement anti-âge efficace doit finir par modifier favorablement l’apparence. Ce traitement, s’il est efficace, ne se contentera pas de modifier des paramètres biologiques ou tensionnels, il aura forcément une influence sur notre enveloppe extérieure.

Les interventions de médecine et de chirurgie esthétique influencent positivement l’état de santé

Réciproquement, il a été amplement montré que des interventions sur l’apparence pouvaient avoir un effet positif sur la santé dans des domaines très concrets : posture(1), douleurs chroniques (cervicales et dorsales)(2), arrêt du tabagisme (3), amélioration de l’hygiène de vie (perte de poids, alimentation, activité physique, avec incidence sur la glycémie)(4), fonction respiratoire(5) et champ visuel(6). L’intérêt de la chirurgie et de la médecine esthétique n’est plus à démontrer sur le plan psychique : anxiété(7, 8), qualité de vie(9), estime de soi(10), confiance en soi et sexualité(11). Mais on peut aussi se demander si une action directe sur l’apparence, et donc notamment sur le psychisme, aura une influence sur les paramètres biologiques du vieillissement. Une action directe sur notre enveloppe corporelle est-elle une « tricherie » ou exerce-t-elle un rétrocontrôle positif, c’est-à-dire un mécanisme de renforcement positif sur l’état de santé général ? Plusieurs arguments plaident pour ce rétrocontrôle positif.

Influence indirecte des interventions de médecine et chirurgie esthétique

Tout d’abord, il est une règle générale qui dispose que la vie est faite d’un ensemble de systèmes qui sont longtemps en équilibre. Au niveau moléculaire, cela se traduit par des équations biochimiques permettant un léger retour en arrière avec des rétrocontrôles négatifs (mécanisme de frein) ou positifs (mécanisme de renforcement). L’hypothèse d’un rétrocontrôle positif de l’apparence sur la biologie semble cohérente avec les lois de la nature.

De plus, il a été démontré que l’amélioration de dimensions psychologiques comme l’anxiété, la confiance en soi, ou l’estime de soi, avait une influence sur la sécrétion des hormones de stress(1). On a même pu écrire que des attitudes corporelles pouvaient modifier la sécrétion de nos hormones. Une équipe de Columbia University a publié qu’un simple changement d’attitude corporelle pouvait augmenter le taux de testostérone et diminuer celui de cortisol et cela en moins de 2 mn2. Sur un panel de volontaires, cette équipe a mesuré les taux de testostérone et de cortisol salivaire selon qu’ils passaient d’une attitude soumise (recroquevillé, bras et pied croisés, tête baissée) à une attitude plus sûre de soi (bras ouverts, tête droite, dos tenu, etc.). Ces travaux ont été contestés sur le plan méthodologique. On peut néanmoins émettre l’hypothèse que les procédure médicales ou chirurgicales qui permettent de rétablir durablement la confiance en soi puissent avoir un effet sur la production chronique de ces hormones, et donc sur d’autres processus biologiques impliqués dans le vieillissement.

Influence directe des interventions de médecine et chirurgie esthétique

Enfin, on sait désormais que nombre de nouvelles techniques de médecine et de chirurgie esthétique ont un effet biologique positif sur les tissus où elles s’exercent. Par exemple une simple injection d’acide hyaluronique a un effet inducteur tissulaire local (régénérateur), conduisant par exemple à augmenter la synthèse de collagène. En chirurgie, les techniques de lipofilling (injections de la propre graisse du patient) potentialisées par du plasma enrichi en plaquettes ont un effet inducteur tissulaire parfois bluffant. De plus, il n’est pas exclu que des effets puissent se faire à distance de la zone traitée (effets paracrines par exemple).

Conclusion

La médecine anti-âge et les interventions sur l’apparence s’influencent l’un l’autre mais en agissant sur les deux à la fois, on obtient un effet de synergie sur l’une et sur l’autre. Le point le plus important est de ne pas nuire, primum non nocere. Ce principe hippocratique est intemporel. Pour atteindre l’objectif visé, il faut que ces actes médicaux soient exercés par des praticiens compétants et bien formés et que les indications soient posées de façon raisonnable.

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Références

  1. La Padula S, Hersant B, SidAhmed M, Niddam J, Meningaud JP. Objective estimation of patient age through a new composite scale for facial aging assessment: The face – Objective assessment scale. J Craniomaxillofac Surg. 2016 Jul;44(7):775-82.
  2. Sá PO et al. The Effect of Reduction Mammaplasty on Body Posture: A Preliminary Study. Plast Surg Nurs. 2020;40(1):29-34.
  3. Chao JD et al. Reduction mammaplasty is a functional operation, improving quality of life in symptomatic women: a prospective, single-center breast reduction outcome study. Plast Reconstr Surg. 2002;110(7):1644-1654.
  4. Van Slyke AC et al. Perioperative and Long-Term Smoking Behaviors in Cosmetic Surgery Patients. Plast Reconstr Surg. 2017;140(3):503-509.
  5. Narsete T et al. Large-volume liposuction and prevention of type 2 diabetes: a preliminary report. Aesthetic Plast Surg. 2012;36(2):438-442.
  6. Zoumalan RA et al. Subjective and objective improvement in breathing after rhinoplasty. Arch Facial Plast Surg. 2012;14(6):423-428.
  7. Hollander MHJ et al. Functional outcomes of upper eyelid blepharoplasty: A systematic review. J Plast Reconstr Aesthet Surg. 2019;72(2):294-309.
  8. Moss TP, Harris DL. Psychological change after aesthetic plastic surgery: a prospective controlled outcome study. Psychol Health Med. 2009;14(5):567-572.
  9. Meningaud JP et al. Depression, anxiety and quality of life: outcome 9 months after facial cosmetic surgery. J Craniomaxillofac Surg. 2003 Feb;31(1):46-50.
  10. Litner JA, Rotenberg BW, Dennis M, Adamson PA. Impact of cosmetic facial surgery on satisfaction with appearance and quality of life. Arch Facial Plast Surg. 2008;10(2):79-83.
  11. Kouris A et al. Patients’ self-esteem before and after chemical peeling procedure. J Cosmet Laser Ther. 2018;20(4):220-222.
  12. Bruck JC et al [Increased self-confidence and decreased sexual discomfort after subpectoral mammaplasty]. Handchir Mikrochir Plast Chir. 2011;43(2):112-118.
  13. Liu SY et al. Self-esteem change and diurnal cortisol secretion in older adulthood. Psychoneuroendocrinology.
  14. Carney DR et al. Power posing: brief nonverbal displays affect neuroendocrine levels and risk tolerance. Psychol Sci. 2010 Oct;21(10):1363-8. 2014;41:111-120.